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Dialogue avec Serge Klarsfeld à propos des crimes de la Shoah.

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Publié le 13/05/2021 à 15:49 dans Préparation du grand oral

(Serge Klarsfeld)

Dans le cadre de la préparation du "grand oral" (pour le baccalauréat), une élève de Terminale prépare la question suivante : "Les crimes de la Shoah ont-ils été suffisamment sanctionnés ?".

Cette élève s’est adressé par mail à Serge Klarsfeld pour avoir son avis. Trois questions furent posées et voici les réponses :

1) Selon vous, compte tenu des efforts qui ont été fait pour conduire les criminels nazis devant des tribunaux, peut-on dire que, globalement, la justice a été rendue ?

 Il est évident que la réponse à cette question est positive : dès la fin de la guerre, les principaux dirigeants nazis ont été jugés à Nuremberg d'une façon objective puisque trois d'entre eux ont été acquittés (Schacht, Von Papen et Fritszche). Les autres procès qui ont suivi à Nuremberg (des dirigeants SS, des diplomates, des médecins nazis, des hommes d'affaires etc…) ont été extrêmement importants et ont, eux aussi, laissé des archives essentielles.

Les Justices nationales ont été également efficaces vis à vis des criminels nazis allemands et de leurs complices locaux. La justice allemande, longtemps indulgente, a suivi l'évolution de la société allemande qui a fini par se rendre compte dans les années 80 de l'immensité du génocide et des crimes contre l'humanité perpétrés au nom du peuple allemand : Aujourd'hui des procédures sont encore activées contre des criminels subalternes, mineurs à l'époque, et aujourd'hui presque centenaires. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que l'on juge des criminels 80 ans après les faits et entretemps il y a eu Nuremberg, Eichmann et Barbie.

2) Les châtiments infligées à ces criminels ont-ils été à la mesure de leurs crimes ?

   La guerre froide a empêché les occidentaux (pour ne pas se mettre à dos les Allemands de l'Ouest) de mettre à exécution une grande partie des sentences de mort ou de perpétuité prises par les tribunaux militaires américains à l'encontre des grands exécutants des crimes ou du génocide décidés par Hitler, Himmler et autres dirigeants nazis. La République Fédérale allemande a supprimé la peine de mort et a été plus indulgente pour les grands criminels de bureaux que pour les petits exécutants. Il est difficile d'adapter une sanction à l'immensité des crimes.

3) De quoi êtes vous particulièrement fier dans votre parcours ?

  Nous avons fait de notre mieux. Nous avons aidé à parachever la réconciliation franco-allemande en obtenant le jugement des principaux criminels nazis allemands qui avaient opéré en France et qui vivaient libres et impunis en Allemagne. Beate avec sa gifle au chancelier Kiesinger a aidé à épurer la République Fédérale des anciens nazis et le résistant antinazi Willy Brandt à devenir chancelier. Découvrir Barbie en Amérique du Sud, y faire campagne, être efficace pour le faire revenir de force à Lyon et à le faire juger et condamner; publier tant d'ouvrages pionniers et de référence (Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Vichy-Auschwitz, Les Enfants d'Izieu; les deux tomes du Mémorial des Enfants Juifs déportés de France etc…) Beate a protesté dans toutes les dictatures d'Amérique de Sud; nous avons été actifs sur place également au Moyen-Orient, en Syrie, au Liban, en Iran; nous avons été présents dans les luttes du présent pas seulement dans celles du passé.

Dans l'ensemble la mission est achevée mais quand nous l'avions entamée (1967), la droite extrême était électoralement insignifiante en France et en Allemagne. Aujourd'hui elle est menaçante et nous sommes angoissés pour l'avenir et pour la solidarité démocratique de l'Union-Européenne.

Nous espérons que les nouvelles générations sauront s'engager pour défendre les valeurs de la République, de la tolérance et du pluralisme.

Article écrit par Éric Chevet