Accueil > Articles > PREPA DU CONCOURS COMMUN DES IEP EN 2022- 2023 (Science po) - Thème : la peur
Publié le 19/09/2021 à 17:17 dans Prepa IEP
Deux thèmes sont cette année au programme de l'épreuve de "questions contemporaines" du concours commun des IEP de province et notamment "la peur".
Si vous préparez cette épreuve de dissertation, vous serez sans doute intéressé par la lecture de mon ouvrage : "Le courage d'avoir peur - Réflexions sur le catastrophisme" (Ed. Ovadia- 2017) De nombreuses menaces mettent aujourd’hui en question l’avenir de l’humanité et l’apparition de « nouveaux risques » ne manque pas de produire des philosophies radicalement catastrophistes. Mais faut-il pour autant donner crédit à ces discours alarmistes faisant la promotion de la peur ? Si certains penseurs, comme Thomas Hobbes ou Emmanuel Kant, avaient jugé nécessaire, dès le début de l’époque moderne, de faire la critique des prophéties apocalyptiques de nature religieuse, faut-il encore condamner les visions du monde les plus effrayantes (écologique notamment), celles qui annoncent le pire, et procéder, une nouvelle fois, à une « critique de la raison apocalyptique »? Certains penseurs catastrophistes, comme Hans Jonas, Günther Anders ou Jean-Pierre Dupuy, pour ne citer que les plus connus, sont en effet de sombres précurseurs. Mais leur philosophie ne convient-elle pas, justement, à « la société du risque », à un monde qui ne cesse d’accroître ses zones dangereuses ? Cet ouvrage se donne alors pour objectif de revenir au contenu des philosophies catastrophistes contemporaines pour s’interroger sur la valeur, la légitimité et la rationalité de leurs visions du monde… Une philosophie peut-elle, sans se dénaturer, espérer se construire sur une « heuristique de la peur » ?
Présentation du contenu du livre :
L’avant-propos s’interroge sur la pertinence et la légitimité des discours philosophiques catastrophistes actuels : si de nombreuses menaces pèsent sur l’avenir de l’humanité (du fait de l’apparition de “nouveaux risques” notamment) faut-il pour autant donner crédit à des discours radicalement alarmistes qui font la promotion de la peur? Si certains penseurs fondateurs de la modernité –comme Hobbes ou Kant- avaient jugé nécessaire faire la critique des discours (religieux) de type apocalyptique, faut-il aujourd’hui encore condamner les visions du monde les plus effrayantes (de nature écologique par exemple) qui annoncent le pire, faire “la critique de la raison apocalyptique” comme le propose le philosophe Michael Foessel? Certains penseurs catastrophistes comme Hans Jonas, Günther Anders ou Jean-Pierre Dupuy, pour ne citer que les plus connus, sont en effet de bien sombres précurseurs mais leur philosophie ne convient-elle pas justement à “la société du risque”, à un monde devenu radicalement inquiétant? Quelle valeur faut-il accorder à leur discours?
L’introduction repose alors le problème de ce doit être une juste et véritable prudence aujourd’hui face à l’ampleur et à l’accumulation des risques : contre l’usage que l’on peut faire de certaines technologies (comme le nucléaire ou les OGM, par exemple) que faut-il préconiser? Faut-il vouloir “freiner le progrès” en imaginant le pire et en préférant s’abstenir d’utiliser ce qui peut nous sembler dangereux? Faut-il au contraire savoir prendre des risques parce que la logique du progrès l’implique inévitablement? S’il n’est pas question de vouloir freiner la science comme connaissance, faut-il prendre des mesures de sécurisation s’agissant de ses applications technologiques?
Dans cette perspective, le chapitre 1 se propose d’évoquer l’apparition du principe de précaution à la fin du 20e siècle, pour montrer que ce nouveau dispositif est doublement critiqué : il est parfois envisagé comme un principe excessif provoquant des blocages, il peut tout aussi bien être considéré comme un principe faible incapable de nous protéger des menaces les plus sérieuses. Il est vrai que la détermination de ce doit être un niveau pertinent de sécurité aujourd’hui est complexe étant donné que la modernité doit combiner deux principes contradictoires : d’un côté il s’agit d’innover et de produire, de l’autre, il s’agit de se protéger : comment concilier ces deux impératif de notre société? Pour comprendre ce débat, et notamment mieux saisir la discussion autour du principe de précaution, il faut revenir au contexte intellectuel de l’époque dans laquelle il est apparu et notamment à la publication en 1979 du “Principe responsabilité” du philosophe allemand Hans Jonas.
Le second chapitre fait référence à la philosophie de Hans Jonas et analyse le contenu de son livre ‘'Le principe responsabilité”. Hans Jonas est tout d’abord un penseur de la technique et des conséquences néfastes que son développement induit. Un des objectifs du chapitre est d’ailleurs de montrer que les analyses du sociologue Ulrick Beck, à propos de la “société du risque”, font écho à Hans Jonas lorsqu’il procède à la distinction entre les risques classiques et les nouveaux risques systémiques : chez les deux auteurs, on s’interroge sur le fait que l’homme ne peut plus contrôler les conséquences de ses propres inventions (les effets induits latents) et que le monde est donc devenu beaucoup plus imprévisible et dangereux. Il faut donc refonder une nouvelle éthique adapté à la civilisation technologique. C’est ce que se propose de faire Hans Jonas qui propose pour cela d’élaborer une “heuristique de la peur” et de repenser le concept de responsabilité. C’est cette nouvelle conception morale qu’il s’agit ici d’exposer dans un souci de vulgarisation de sa pensée souvent mal comprise. On se demande alors si le “principe responsabilité” de Jonas est éloigné ou non du principe de précaution.
Le troisième chapitre s’interroge alors sur la légitimité de ce type de discours catastrophiste tel que Jonas peut l’incarner : ne s’agit-il pas d’une philosophie justifiant de manière excessive la peur? La peur n’est-elle pas d’ailleurs “au-dessus de nos moyens” comme se le demande Jean de Kervasdoué? Et d’ailleurs le principe de précaution n’est-il pas lui-même un obstacle au progrès dont il faudrait savoir se débarrasser? Il s’agit ici de montrer que la logique de la précaution correspond à un progrès de la logique démocratique par rapport à une logique technocratique généralement dominante. En cas de doute, les citoyens vont pouvoir enfin débattre plus largement et le politique pourra décider en fonction de ce plus large débat. L’objectif du chapitre est donc d’interroger la valeur du principe de précaution d’un point de vue démocratique.
Le quatrième chapitre aborde alors un autre penseur catastrophiste : Jean-Pierre Dupuy et son ouvrage “Pour un catastrophisme éclairé”. Ce philosophe fait à son tour la critique du principe de précaution et démontre qu’il n’est pas un principe suffisant de protection contre les catastrophes: il s’agit donc d’amplifier notre prise de conscience des dangers et d’expliquer pourquoi l’humanité reste en général si peu réactive à l’égard des menaces qui hypothèquent son avenir ( le réchauffement climatique notamment). On fera alors référence aux analyses du philosophe Günther Anders sur la difficulté que les hommes éprouvent à véritablement prendre conscience des risques de catastrophes. Il s’agira alors de fonder une nouvelle philosophie de la catastrophe mais sans basculer dans le désir d’une dérive sécuritaire de type biopolitique et “écofasciste” telle qu’on la trouve formulée chez le philosophe Günther Anders. Il faut faire de la peur un moteur pour l’action et la raison dans un cadre démocratique. L’objectif est d’expliquer ce que Jean-Pierre Dupuy entend par “Catastrophisme éclairé”.
Le cinquième chapitre pose le problème de l’impact des discours catastrophistes dans une société de consommation et de divertissement: un tel message peut-il être entendu? Il s’agit de montrer que la catastrophe devenant un spectacle via la science fiction et l’industrie du cinéma, elle se banalise et l’indifférence alors se renforce: la culture de masse semble perpétuer l’inaction et l’indifférence. A tel point qu’il est possible de se demander s’il n’existe pas au sein même de la culture moderne un désir de catastrophe, une sorte de pulsion destructrice qui pousse les hommes à vouloir inconsciemment leur propre perte.
Dans le chapitre 6, il est question d’une analyse critique plus précise du discours catastrophiste: s’il est bien légitime de s’inquiéter des risques, ne faut-il pas aussi s’inquiéter du catastrophisme lui-même qui semble véhiculer des arrières pensées et des désirs non avoués de contrôle social : il s’agit ici de faire référence au livre du philosophe Michael Foessel ”Après la fin du monde” qui se propose de faire la critique de la raison apocalyptique: nous cherchons alors à examiner la pertinence de cet ouvrage.
Dans le chapitre 7 il s’agit pour finir de rappeler que le catastrophisme n’est pas un fatalisme et qu’il ne conduit pas à la fascination pour le désastre ni à une résignation. Il s’agit alors d’étudier la philosophie du philosophe Gunther Anders dans son combat contre le nucléaire.
Enfin, pour conclure, nous souhaitons réaffirmer la valeur et la rationalité des philosophies catastrophistes et montrer leur valeur pour une société qui est exposée à des menaces de plus en plus nombreuses.