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PEUT ON ÊTRE MAITRE DE SES METAMORPHOSES? (exposé de Zacharie R-S)

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Publié le 19/12/2024 à 12:00 dans Exposé des élèves

Peut-on être maître de ses métamorphoses ? Exposé de Zacharie R—S décembre 2024

Introduction

Peut-on être maître de ses métamorphoses ? Ce sujet porte à s'interroger sur les métamorphoses du moi ; « métamorphose » peut s’entendre comme un changement soudain ou progressif, d’un individu, décelable par celui-ci et/ou par autrui, autrement dit une transformation irréversible et d’amplitude variable.

« Peut-on être maître de » ? Questionne le verbe pouvoir, qui peut s'entendre dans le sens de « capacité à » et de « légitimité à ». Ici nous exclurons le sens de la « légitimité » cela nous amènerait vers des considérations politiques et morales, qui ne constituent pas le cœur de notre sujet ni de nos connaissances et compétences. Nous allons donc questionner ici la capacité à « être maître de », que nous entendrons dans les deux sens : de dominus, c'est-à-dire d'un contrôle, et de magistère, c'est-à-dire d'une direction.

Le sujet nous amène donc à nous questionner sur deux points : Avons-nous la capacité de diriger nos métamorphoses ? Et avons-nous la capacité de contrôler nos métamorphoses ? Face à ces questionnements nous nous sommes intéressés aux notions de volonté, et de liberté dans l’existence, une capacité du moi à contrôler et diriger ses métamorphoses. Cependant, en pensant notamment à des expériences traumatiques, nous est apparue une limite à la volonté humaine. Par exemple, André Masson, peintre surréaliste laissé pour mort sur le champ de bataille à la fin de la première guerre mondiale a dit : « Il a fallu de longs mois pour que je redevienne à moi, ce moi avait été saccagé pour toujours. » Nous nous sommes alors demandés comment peut s’opérer une telle reconstruction. Prenons l’exemple du personnage principal de American History X, ancien néo nazi devenu pacifiste après son séjour en prison et dans ce film, est clairement mis en évidence le lien entre sa transformation idéologique et l’amitié qu’il a lié avec un détenu noir, comme les échanges qu’il avait avec son ancien professeur brillant et humaniste, noir lui aussi. Ainsi il nous est apparu que si l’homme seul peut mais difficilement contrôler et diriger ses métamorphoses selon les circonstances, il semble acquérir au contact d’autrui une possibilité accrue de direction de son existence. C’est la thèse que nous défendrons ici.

Nous allons donc tout d’abord explorer la capacité théorique du moi à diriger et contrôler ses métamorphoses, le pouvoir du moi sur lui-même, par la volonté, le libre arbitre, selon Sartre, puis nous verrons qu'il existe de nombreux obstacles à la maîtrise du moi par lui-même en rapport avec les thèses de Freud sur l’inconscient, les interactions entre le moi et le monde, et les déterminants sociaux et enfin, nous développerons l'idée selon laquelle le moi peut pallier à ces obstacles à l'aide notamment de l’éducation et du contact avec autrui. Au vu du peu de temps dont nous disposons, le lieu de notre exposé sera de vous présenter les grandes lignes de chacune des parties, chacune nécessiterait un plus ample développement.

Première partie

Pour que l'homme puisse être maître de ses métamorphoses, il faut qu'il ait la possibilité de diriger son existence à sa guise. Que plusieurs directions s'offrent à lui, qu'il a la liberté de choisir entre ces directions, et qu'il possède une maîtrise de lui-même qui lui permette d'aller dans la direction de son choix. Le philosophe Pic de la Mirandole considère au 15ème siècle en Italie, dans son ouvrage Oratio de hominis dignitate, ou en français De la dignité de l’homme, que l’homme est « créateur de lui-même ». Il rejoint ainsi la thèse de Michel Serres, qui considère que l’homme, par sa vacuité initiale, dispose de possibilités infinies de plénitude. Donc l'homme, par nature, a la possibilité de se fabriquer. Marx, dans Le capital, explore le pouvoir de la volonté humaine, qu’il voit comme une force aussi autoritaire sur l’homme qu’une loi. La volonté est donc un moteur d'évolution humaine, grâce à elle, l’homme peut imposer à son être la voie, le chemin qu’il désire. Nous pourrions illustrer cette idée à l’aide de l’extravagance et de l’indépendance de la marquise de Merteuil dans Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. La volonté permet donc au moi d'être davantage maître de lui-même. Mais est-ce la volonté seule de la marquise qui lui a permis de se libérer des influences de son entourage ?

Sartre défend que non, lorsqu’il affirme la liberté de l’homme grâce à sa théorie sur l’intentionnalité de la conscience. Il considère que l’existence de l’homme détermine son essence, et non l’inverse. L'homme peut donc se fabriquer, possède la volonté pour se rendre maître de lui-même et est libre dans l'existence. Il peut donc théoriquement, si on considère que l'existence est la suite continue de nos métamorphoses, être maître de ses métamorphoses, au sens où il posséderait une direction et contrôle sur elles.

Transition 1 et 2

Cependant, il nous apparaît qu'il existe des freins à ce contrôle théorique du moi sur lui-même. Nous pourrions prendre l'exemple de la flemme qui peut nous pousser à ne pas travailler, à préférer des plaisirs simples et plus immédiats en dépit de notre volonté et peut-être de notre conscience à plus long terme, grâce à laquelle nous sommes pourtant intimement convaincus du fait que la tâche à accomplir est plus profitable pour nous.

Partie 2

Ayant considéré que le moi a la capacité théorique de contrôler, de diriger ses métamorphoses à l'aide de sa volonté, nous en venons à questionner les limites de la volonté humaine. Vouloir quelque chose, suppose préalablement de savoir ce que l'on veut, c'est à dire se connaître. Or, depuis 2500 ans de philosophie autour du moi, le sujet suscite encore de nombreux débats. Ensuite, cela suppose d’avoir la capacité, les aptitudes d'atteindre l'objet de notre désir. Et enfin, d'autres obstacles ne doivent se présenter entre nous et notre objectif. Cependant, des métamorphoses surviennent sur le moi lorsque celui-ci est en contact avec le monde par le biais de sa perception sensible, qui ne peut être entièrement maîtrisée, ni parfaitement connue, ni mesurée et cloisonnée. Le sensible s’impose au moi, comme lorsque celui-ci subit un trauma. Et cela peut diriger sa vie vers une voie qu'il n'aurait pas choisie, comme cela est arrivé pour le personnage principal du film La mouche, réalisé par David Cronenberg, qui va fusionner son ADN par inadvertance avec celui d'une mouche, perdant par la suite son identité et son humanité. Le moi ne sait donc pas, en tout cas consciemment, comment il réagira face à l'inconnu du monde. Nous pourrions justement ici introduire la notion d’inconscient, théorisée par le philosophe et inventeur de la psychanalyse Sigmund Freud, qui a révélé un aspect du moi que celui-ci ne peut volontairement et librement contrôler.

Mais l’homme peut être aussi esclave de ses passions, forces supérieures sur le moi, qui peuvent le pousser au dangereux pour lui et pour autrui. Nous pourrions prendre l'exemple de la force de l'amour déchirant qui unit la sénatrice Padmé à Anakin dans le film Star Wars, et où celui-ci finit par tuer celle qu’il aime par haine, une haine alimentée par sa peur de la perdre. Les passions sont un phénomène amplifié par le fait que l'homme vit en société, il est un « animal social », nous dit Aristote. Les sociétés créent un ensemble de représentations, propres à certains genres ou milieux, qui bornent l'horizon des individus, et qui les empêchent d’envisager certaines voies qu’ils pensent fermées de par leur origine. La société peut donc participer à freiner la liberté humaine. De plus, les interactions avec les autres, imprévisibles, peuvent être parfois violentes, injustes, et perturbent à jamais la vie d'un individu, comme le fait de subir un viol, par exemple. L'homme rencontre donc des freins à sa liberté et à sa volonté, ce qui atténue sa faculté théorique de direction et de contrôle de ses métamorphoses.

Transition 2 et 3 :

Cependant les interactions avec autrui dont nous venons de parler peuvent aussi nous permettre de nous rendre ou de redevenir maître de nous-mêmes en nous donnant notamment accès à une meilleure connaissance de notre personne. Sartre nous dit : « autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même ».

Partie 3 : L'homme, donc, s'il peut difficilement seul contrôler et diriger ses métamorphoses peut posséder sur lui-même à l'aide du contact avec autrui, certaines capacités de maîtrise. Le premier contact que subit l'homme avec autrui, généralement se passe dans un cadre familial et s'inscrit dans une démarche d'éducation. Et justement, il nous semble primordial de questionner le rôle de l'éducation, qui permet, sinon une certaine émancipation, en tout cas une libération des instants naturels de l'homme, comme nous le remarquons dans le film L'enfant sauvage de Truffaut. Comme nous dit Kant dans son Traité de pédagogie, « L'éducation cultive la liberté par le connaître ». L'homme éduqué peut donc lutter contre ses passions à l'aide d'un enseignement de morale ou d’éthique, et peut remédier à une méconnaissance du monde et de lui-même. Pour prendre un exemple personnel, nous avons rencontré auprès d'un professeur un nouvel appétit pour une matière qui nous avait auparavant laissé indifférent. Nous nous sommes donc rendus plus transparent à nous-même et avons pu plus librement guider nous choix futurs. Peut-être ce phénomène existe-t-il aussi dans d'autres champs que celui de l'éducation ? Un contact social permet dans certains cas un décentrage du moi, ou au contraire un recentrage, pour éviter l'enfermement et reconsidérer une situation par exemple. Dans le film De sel, de cendres et de souvenirs réalisé par Julie Grossetête, une artiste, après avoir vécu le décès de son frère, veut mettre fin à ses jours, et partage sa volonté à son psychologue qui lui répond : « Vous voulez donc tuer une seconde fois votre frère ? ». La phrase fut assez frappante pour que sa volonté première soit instantanément balayée dans son esprit. Le contact avec autrui, dans certaines circonstances, permet de révéler au moi des aspects cachés de sa personne, et lui donnent des clés de sa métamorphose.

Conclusion :

Pour conclure, grâce à l'éducation ou grâce à des contacts sociaux avec autrui le moi peut opérer un certain retour sur lui-même et le monde, une deuxième appréciation, une reconsidération. L'homme peut alors se trouver maître de ses métamorphoses, où en tout cas, il peut leur donner une certaine direction. Imaginons-nous nous aventurer sur un chemin de randonnée de montagne en haute altitude. Il nous est inconnu, chaque pas est incertain, demande un effort, nous ne savons si nos pas vont trouver un chemin déjà tracé, s'ils vont en créer un nouveau. Une fois sur le chemin, nous pouvons faire demi-tour mais nous devons avancer. Quelles embûches vont se dresser sur notre chemin ? Quelle rencontre allons-nous faire ? De quelle nature ? Nos pas nous emmènent vers de nouvelles perspectives, chaque pas est une surprise, autant dans la découverte de soi que dans le rapport au monde.

Article écrit par Éric Chevet