Accueil > Articles > De la discrimination positive (exposé de Keyla D. et de Myriam B. )
Publié le 19/01/2025 à 12:00 dans Exposé des élèves
La discrimination positive désigne l’ensemble des politiques qui accordent des avantages spécifiques à des groupes historiquement désavantagés pour corriger des inégalités sociales, économiques ou culturelles. Elle se manifeste notamment par des politiques de quotas, des priorités données dans l’accès à l’éducation ou à l’emploi, et par des programmes d’inclusion. Cette démarche soulève un paradoxe : peut-on vraiment lutter contre une injustice en instaurant une inégalité ? Si certains y voient une forme de justice réparatrice nécessaire pour corriger les effets d’un passé discriminatoire, d’autres considèrent qu’elle crée de nouvelles formes d’injustice, en rompant avec les principes d’égalité et de mérite. Cette réflexion soulève une question essentielle : la discrimination positive est-elle une solution juste ou une nouvelle forme d’injustice ? Pour répondre à cette problématique, nous verrons d’abord en quoi la discrimination positive peut être perçue comme un outil de justice sociale (I). Nous examinerons ensuite ses limites et ses risques de créer une nouvelle injustice (II). Enfin, nous envisagerons des alternatives pour parvenir à une société véritablement équitable (III).
I. La discrimination positive comme outil de justice sociale
Tout d’abord, l’existence et la persistance de certaines discriminations expliquent l’arrivée de politiques et d’actions positives dans différents pays faisant face à ces inégalités. Pour mieux comprendre ce qu’est la discrimination positive, il faut savoir qu’elle privilégie l’équité plutôt que l’égalité. L’égalité consiste à mettre tout le monde au même niveau tandis que l’équité vise à fournir à chacun les moyens nécessaires pour surmonter les désavantages spécifiques qu’il subit tels que le racisme, le sexisme ou encore les discriminations socio-économiques.
Premièrement, cette approche repose sur le principe de justice réparatrice. Ce principe cherche à réparer le tort causé par une injustice en mettant l’accent sur la réconciliation et la réparation plutôt que la punition. Elle implique un dialogue entre la victime et le responsable de l’injustice et la communauté afin de comprendre l’impact du préjudice et de trouver la solution qui permet à la victime de guérir et à l’auteur du tort de prendre ses responsabilités. Les sociétés ont souvent une dette morale envers certains groupes marginalisés comme les minorités ethniques ou les personnes en situation de handicap. De ce fait, des inégalités peuvent être acceptables, voire nécessaires, si elles bénéficient aux plus désavantagés. Cette idée trouve une justification dans « le principe de différence » théorisé par John Rawls dans son livre Théorie de la justice.
Deuxièmement, la discrimination positive élargit les opportunités offertes aux groupes marginalisés. En pratique, cette politique se concrétise de différentes façons. Par exemple des quotas dans l’éducation. Aux États-Unis, les politiques d’affirmative action permettent à des étudiants issus de minorités ethniques d’accéder à des universités prestigieuses. En France, elle avantage les populations habitant en Zones d’Éducation Prioritaires en donnant plus de moyens aux établissements scolaires situés dans les zones défavorisées. Cela leur offre des perspectives qu’ils n’auraient probablement pas eues autrement, en raison de leurs désavantages socio-économiques.
Troisièmement, la discrimination positive a des effets culturels et symboliques importants. Elle contribue à diversifier des domaines traditionnellement dominés par un seul groupe. Par exemple, depuis le 27 janvier 2011, en France, la loi Copé-Zimmermann impose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises (+ de 250 salariés ou + de 50 millions CA). Résultat : la diversité dans ces instances a augmenté, ce qui inspire d’autres femmes et redéfinit les normes de leadership car les bénéficiaires de ces mesures deviennent des modèles pour leur communauté. Aussi, la diversité dans les universités reflète mieux la société globale et peut aider à réduire les tensions sociales.
Ainsi, la discrimination positive peut être perçue comme une réponse légitime aux injustices passées et un moyen de transformer les sociétés de manière plus inclusive.
II. Les limites de la discrimination positive
Si la discrimination positive peut être envisagée comme un outil de justice sociale, elle présente néanmoins des contradictions qui interrogent sa légitimité et son efficacité.
Premièrement, elle pose un problème fondamental vis-à-vis du principe d’égalité. Si la discrimination positive vise à corriger des inégalités ancrées dans la société, elle s’appuie néanmoins sur des critères différenciés qui peuvent paraître contraires à l’idéal d’égalité universelle. En privilégiant certains groupes, elle introduit une forme d’injustice envers les non-bénéficiaires, même si ces derniers peuvent être également en situation de précarité. Cette tension soulève une question centrale : peut-on corriger une injustice par une autre ? L’égalité pour tous, inscrit dans des principes comme l’article premier de la Constitution française, repose sur l’égalité devant la loi sans distinction. La discrimination positive, en introduisant des distinctions, semble s’éloigner de cet idéal et peut être perçue comme une violation du principe d’impartialité.
Deuxièmement, elle risque de réduire les individus à leur appartenance à un groupe, simplifiant ainsi des identités qui devraient rester secondaires dans une société fondée sur la liberté et l’indépendance. Cette approche peut entraîner une dévalorisation : les bénéficiaires sont parfois perçus comme moins compétents, ce qui nuit à leur estime de soi et renforce les préjugés. Cela soulève la question du mérite individuel face aux dynamiques collectives : comment concilier la reconnaissance des inégalités systémiques avec la valorisation des efforts personnels ? Pour certains, cette tension conduit à un paradoxe, car en voulant promouvoir l’égalité, la discrimination positive risque de renforcer des distinctions artificielles entre groupes.
Enfin, sur le plan éthique, ces politiques peuvent être accusées de favoriser les intérêts de certains groupes, au détriment de la cohésion sociale. En opposant implicitement des groupes bénéficiaires et non bénéficiaires, elles alimentent des ressentiments et des tensions, ce qui contrevient à l’idéal de justice distributive. Aristote, dans sa réflexion sur la justice, distingue entre la justice corrective et la justice distributive : la première vise à rectifier des torts individuels, tandis que la seconde répartit les ressources selon les besoins ou les mérites. La discrimination positive, en cherchant à équilibrer des injustices passées, risque de sacrifier la justice individuelle au profit d’une vision trop collective et utilitariste de l’équité.
Ainsi, bien qu’elle cherche à corriger des déséquilibres historiques, la discrimination positive soulève des questions fondamentales sur l’égalité, le mérite et la justice. En voulant réparer, elle peut paradoxalement reproduire de nouvelles formes d’injustice, appelant à une réflexion plus nuancée sur les moyens d’atteindre une société véritablement équitable.
III. Une alternative pour une société plus équitable
Face à ces limites, il est crucial de réfléchir à des solutions qui permettent d’instaurer une égalité durable, sans recourir systématiquement à des mesures correctives ciblées.
Premièrement, il convient de promouvoir une égalité des conditions plutôt que des résultats. Cela signifie investir dans l’éducation, la santé et l’accès à l’emploi pour tous, afin de traiter les inégalités structurelles à la racine. Par exemple en Suède, les politiques sociales universelles, comme l’accès gratuit à une éducation de qualité, ont permis de réduire les écarts sans avoir besoin de quotas spécifiques.
Deuxièmement, il est possible d’adopter des politiques inclusives, qui bénéficient à l’ensemble des groupes désavantagés sans distinction explicite. Par exemple, financer des programmes éducatifs dans les quartiers défavorisés, quelle que soit l’origine ethnique ou sociale des habitants, permet de répondre aux inégalités sans générer de ressentiment.
Troisièmement, la discrimination positive peut être utilisée comme un tremplin, avec des objectifs clairs et une durée limitée. Elle ne doit pas devenir une solution permanente, mais plutôt un outil pour amorcer des transformations plus profondes.
En conclusion, la discrimination positive peut être une solution juste pour lutter contre les inégalités, à condition qu'elle se base sur des critères sociaux et économiques, comme c'est le cas en France. Elle permet d’offrir des opportunités aux groupes marginalisés sans renforcer de divisions ethniques. En revanche, la discrimination positive aux États-Unis, qui repose sur des critères ethniques tels que la couleur de peau, risque de créer de nouvelles injustices en accentuant les divisions raciales. Ainsi, pour être véritablement juste, la discrimination positive doit viser à corriger les inégalités sans alimenter de discriminations supplémentaires.