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La lettre de Willy Just (5 juin 1942).

Publié le 12/02/2009 à 23:11 dans Articles

Sur ce sujet voir le site : https://phdn.org/histgen/camionsagaz/rauff420605.html " 97 000 avec trois voitures… "

Rauff Scan Note secrète du 5 juin 1942 émanant du groupe II D de la direction de la sécurité du Reich (RSHA), adressée par Willy Just au SS-Obersturmbannführer Rauff

"Ce document décrit les améliorations techniques à apporter aux camions à gaz. Ils étaient utilisés par les Einsatzgruppen à l'arrière du front russe pour assassiner les Juifs. Un massacre de Juifs organisé au fusil auquel il avait assisté avait traumatisé Himmler. Il avait décidé de recourir à des moyens " plus humains "… pour les bourreaux! Il mit donc au service des Einsatzgruppen le savoir-faire des équipes qui avaient participé à l'opération T.4 dite d'"euthanasie". Au cour de l'action T.4, des dizaines de milliers de malades mentaux et d'handicapés avaient été assassinés par le régime nazi, principalement par gazage au monoxyde de carbone. C'est ce même gaz, émis par les moteurs diesel, qui a servi dans les camions à gaz".

cf. https://phdn.org/histgen/camionsagaz/rauff420605.html

II D 3 a (9) NI. 214/42 g. Rs. Berlin, le 5 juin 1942

Exemplaire unique.


|Secret d'État!|


I. Note :

Objet:

Modifications techniques à apporter aux camions spéciaux actuellement en service et à ceux qui sont en cours d'aménagement.

Depuis décembre 1941, par exemple, on en a traités 97 000 avec trois voitures dont le fonctionnement n'a révélé aucun défaut. L'explosion qui, comme on sait, a eu lieu à Kulmhof doit être considérée comme un cas isolé. C'est à une erreur de manipulation qu'il faut en attribuer la cause. Des instructions spéciales ont été adressées aux services intéressés pour éviter de tels accidents. Les instructions données ont augmenté considérablement le degré de sécurité.

Les autres expériences faites jusqu'ici montrent que les modifications techniques suivantes seraient utiles:

1.) Afin de rendre possible un remplissage rapide en CO tout en évitant la surpression, on percera deux fentes de 1 x 10 cm d'alésage en haut de la cloison arrière. Ces fentes seront munies à l'extérieur de clapets mobiles à charnière en fer blanc pour permettre d'équilibrer automatiquement toute surpression qui viendrait à se produire.

2.)

La capacité normale des voitures est de neuf à dix au mètre carré. Mais les grands camions spéciaux Saurer ne peuvent être utilisés à une telle capacité. Ce n'est pas une question de surcharge, mais leur mobilité tous terrains est alors très diminuée. Il apparaît donc nécessaire de réduire la surface de chargement. On peut y parvenir en raccourcissant d'un mètre la superstructure. On ne saurait en effet remédier à la difficulté signalée par une simple diminution du nombre des unités (Stückzahl), comme on le faisait jusqu'ici, car, dans ce cas, le fonctionnement exige plus de temps, puisqu'il faut bien que les espaces dégagés soient, eux aussi, remplis de CO. Au contraire, pour une surface de charge plus petite, mais complètement occupée, l'opération dure sensiblement moins longtemps, puisqu'il n'y a pas d'espace libre.

Au cours d'une discussion avec la firme chargée des aménagements, celle-ci a fait remarquer qu'un raccourcissement de la superstructure entraînerait l'inconvénient d'un déplacement du poids vers l'avant. L'axe avant risquerait ainsi d'être surchargé. En réalité, il se produit une compensation spontanée dans la répartition du poids, du fait que, lors du fonctionnement, le chargement, dans les efforts qu'il fait pour se rapprocher de la porte arrière, s'y trouve toujours pour la plus grande partie. C'est pourquoi l'axe avant ne souffre d'aucune surcharge.

3.)

Le tuyau qui relie l'échappement à la voiture est sujet à la rouille, du fait qu'il est rongé à l'intérieur par les liquides qui s'y déversent. Pour éviter cet inconvénient, il convient de disposer les embouts de remplissage de manière que l'admission se fasse de haut en bas. On évitera ainsi que des liquides y pénètrent.

4.)

Pour permettre un nettoyage commode du véhicule, on pratiquera au milieu du plancher une ouverture permettant l'écoulement. Elle sera fermée par un couvercle étanche de vingt à trente centimètres de diamètre permettant l'écoulement des liquides fluides en cours de fonctionnement. Pour éviter toute obstruction, le coude sera muni d'un crible à sa partie supérieure. Les saletés plus épaisses seront évacuées par la grande ouverture d'écoulement lors du nettoyage. A cet effet, on inclinera légèrement le plancher du véhicule. On obtiendra ainsi que tous les liquides coulent directement vers le centre, et on évitera ainsi la pénétration des liquides dans les tuyaux.

5.)

On pourrait supprimer les fenêtres d'observation installées jusqu'ici, car on ne s'en sert pratiquement pas. On économiserait ainsi un temps de travail assez important dans l'aménagement des nouvelles voitures, en évitant le difficile ajustement de la vitre et de sa fermeture hermétique.

6.)

Il convient d'assurer une plus forte protection de l'installation d'éclairage. Le grillage doit recouvrir les lampes assez haut pour qu'il soit impossible de briser les ampoules. Les utilisateurs ont proposé de supprimer les lampes, qui, a-t-on fait remarquer, ne sont guère utilisées. L'expérience montre pourtant que lorsqu'on ferme la porte du fond et qu'on provoque ainsi l'obscurité, il se produit toujours une forte poussée du chargement sur la porte. La cause en est que le chargement, quand l'obscurité survient, se précipite vers la lumière. Cela compromet l'enclenchement de la fermeture de la porte. On a constaté aussi que le bruit qui se produit à la fermeture de la porte est lié à l'angoisse que suscite l'obscurité. Il paraît donc opportun de maintenir l'éclairage avant et pendant les premières minutes de l'opération. Et l'éclairage est utile aussi pour le travail de nuit et le nettoyage de l'intérieur de la voiture.

7.)

Pour faciliter un déchargement rapide des véhicules, on disposera sur le plancher un caillebotis mobile. Il glissera au moyen de roulettes sur un rail en U. Le retrait et la remise en place s'effectueront au moyen d'un petit treuil disposé sous la voiture. La firme chargée des aménagements s'est déclarée incapable d'y procéder pour le moment, en raison d'un manque de personnel et de matériaux. On s'efforcera de le faire exécuter par une autre firme.

En ce qui concerne les véhicules déjà en service, on n'y réalisera les modifications techniques proposées qu'au fur et à mesure de grosses réparations qui seraient nécessaires pour chacun d'entre eux. Mais, en ce qui concerne les dix véhicules Saurer dont il a été passé commande, on tiendra compte de ces modifications autant que possible. La firme chargée des aménagements a indiqué, au cours d'une conférence de travail, que les modifications de structure ne lui paraissaient pas possibles. Aussi faut-il essayer d'obtenir d'une autre firme qu'elle munisse au moins l'un des dix véhicules de toutes les innovations ou modifications suggérées par la pratique. Je propose que la firme de Hohenmauth soit chargée de réaliser ce modèle unique.

En raison des circonstances, il faut compter sur de longs délais pour l'achèvement de ce véhicule. Aussi conviendra-t-il de le conserver et de l'utiliser non pas seulement comme modèle, mais aussi comme véhicule de réserve. Lorsqu'il aura fait ses preuves, les autres voitures seront retirées du service et modifiées conformément au modèle.

II.

Au Gruppenleiter II D

Obersturmbannführer SS Rauff

Pour examen et décision.

Just

Eugen Kogon, Herrmann Langbein, Adalbert Rückerl, Les chambres à gaz secret d'Etat, Seuil, Points Histoire, 1987, pp. II-V. Traduction revue et corrigée d'après l'original allemand qui se trouve, ainsi que les reproductions des 5 pages de la note, dans l'édition allemande de l'ouvrage cité, Nationalsozialistische Massentötungen durch Giftgas, Fischer Taschenbuch Verlag, 1995, pp. 333-337.

 

Article écrit par Éric Chevet