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Science et religion : un conflit inévitable?

Publié le 29/10/2008 à 22:50 dans Compléments de réflexion

Pour approfondir le cours sur la religion, voici quelques élements de réflexion sur le rapport entre science et religion:

Pour aborder un tel sujet, il faut d'abord sans doute partir des conflits historiques qui, depuis la naissance de la science, l'ont opposé à la religion (ce qui supposait un minimum de culture par rapport à ces conflits, en astronomie avec Gallilée et l'histoire du conflit entre géocentrisme et héliocentrisme, en théorie de l'évolution (Darwin et la théorie du créationisme), en médecine, ect…Voir sur ce sujet le livre de B . Russell, Science et religion). Si l'on remonte loin dans l'histoire des croyances, on s'aperçoit qu'effectivement la science a mit fin à un nombre étonnant de superstitions, de visions fausses, à commencer par la mythologie, certaines croyances magiques des mentalités primitives; bref, le développement des sciences a réfuté des pans entiers de la croyance religieuse et a contribué à la rationalisation de notre vision de la nature. On peut bien dire en ce sens que  la science est un "désenchantement du monde " pour reprendre la formule de Max Weber. On peut donc commencer par montrer en quoi la vision scientifique du monde est rentrée en opposition avec certaines affirmations qui furent longtemps celles de la religion. On peut également souligner le caractère rationnel de la démarche scientifique et l'aspect irrationnel de la foi religieuse, leur conception de la vérité et de la connaissance étant radicalement différentes (cf. Cours).

Mais la difficulté consiste à sortir de la perspective historique pour poser un problème philosophique, celui du rapport entre croyance et connaissance et analyser leur limites respectives. On peut alors montrer la compatibilité du message religieux et scientifique, non pas au sens où l'un viendrait soutenir ou confirmer l'autre, hypothèse absurde (on ne peut demander à la science de réfuter ou de confirmer l'existence de Dieu, ni à la religion de s'occuper de physique ou de biologie), mais au sens où ces deux visions de la réalité peuvent se superposer à certaines conditions qu'il faut préciser: à condition que la religion n'affirme plus de théories contraires à la science (héliocentrisme par exemple), à condition que les religions acceptent l'autonomie de la recherche scientifique, ne prétendent plus régenter le savoir concernant le monde de la nature et acceptent de modifier leurs visions des choses en fonction de l'évolution des savoirs, comme ce fut le cas pour l'Eglise, bien obligée d'admettre après coup que Galilée avait raison. Concernant la théorie évolutioniste, la religion doit donc comprendre que le récit de la Génèse n'est pas vrai au sens historique mais correspond plutôt à un mythe qu'il faut interpréter (et ne pas prendre au pied de la lettre) pour comprendre son message. La science est donc compatible avec la religion si celle-ci ne prétend plus expliquer les phénomènes naturels par des causes surnaturelles, si elle se dégage d'une lecture dite fondamentaliste des textes sacrés (qui consiste à prendre tout ce qui écrit au 1er degré) et si la religion accepte de modifier ses points de vue en fonction des découvertes scientifiques; elle doit donc reconnaître ses limites, son impuissance à trancher des questions qui concernent seulement la science.

A l'inverse, la science n'a pas réponse à tout et est incapable de trancher certaines questions relatives à la croyance et qui relèvent d'affirmations métaphysiques (que la science n'aborde pas). Science et religion sont donc compatibles, à condition qu'elle ne parlent pas de la même chose et qu'elles se reconnaissent incompétentes à trancher les questions qui leurs sont spécifiques. C'est donc paradoxalement l'histoire des découvertes scientifiques qui a obligé la religion à prendre conscience de sa spécificité et de son domaine propre, de même que la nature des croyances humaines doit montrer aux scientifiques les limites du savoir qu'ils élaborent.

Article écrit par Éric Chevet