Accueil > Articles > LA QUESTION DE LA FIN DE VIE ET DU DROIT A MOURIR, exposé de Koulma B. (TG2)
Publié le 02/04/2024 à 12:00 dans Exposé des élèves
Introduction : Y a-t-il un droit à mourir ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord définir quelques termes, à commencer par le droit. C’est donc la faculté reconnue à quelqu’un par une autorité publique, de jouir de tel ou tel avantage et d’agir de telle ou telle façon. Le droit à mourir c’est donc le concept éthique et juridique qui soutient la liberté d’un être humain à mettre fin à sa vie ou de demander à un tiers une aide à mourir (euthanasie volontaire ou suicide assisté). Il faut faire attention à ne pas confondre euthanasie et suicide assisté, qui sont deux choses différentes. L’euthanasie c’est l’acte d’un médecin visant à provoquer le décès de quelqu’un atteint d’une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales et physiques intolérables. Deux moyens sont possibles : par injection létale ou par arrêt de soins fondamentaux, comme l’alimentation artificielle, par exemple. Le suicide assisté ou l’aide au suicide, c’est le fait de fournir à un individu un environnement et les moyens nécessaires pour qu’il se suicide. C’est donc la personne malade qui déclenche sa mort. On peut se demander si le suicide assisté est « plus éthique » que l’euthanasie. Quand bien même cela semblerait moralement préférable, en France, la loi réprime formellement ces deux formes d’un « droit à mourir ». Il y a eu pourtant des évolutions. Entre 1998 et 2016, des textes réglementaires et législatifs ont interdit l’acharnement thérapeutique. En 2016, il y a eu des changements avec la loi Claeys-Leonetti qui autorise la sédation profonde et renforce le droit d’accès aux soins palliatifs, c’est-à-dire l’ensemble des actions destinées à atténuer les symptômes d’une maladie dont, en particulier, la douleur qu’elle provoque. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé en faveur d’une légalisation de l’aide active à mourir, et depuis 2023, le gouvernement prévoit un projet de loi qui établirait le droit à mourir dans la « dignité ». Cette proposition de loi vise notamment à autoriser le suicide assisté et l’euthanasie (sous conditions strictes). Il y a donc depuis 2023 la réouverture du débat sur la fin de vie, qui reste difficile, car d’un côté, la philosophie de la dignité humaine prône l’interdiction du meurtre, et de l’autre, la philosophie de la liberté individuelle considère que seul le souffrant est apte à juger si sa vie est digne ou non d’être vécue. On peut donc se demander s’il est légitime de choisir les conditions de notre mort et d’exiger d’un tiers qu’il mette fin à notre vie. Est-ce qu’on peut accepter l’euthanasie ou le suicide assisté pour une personne qui souffre d’une maladie incurable et qui souffre ? Faut-il mieux laisser mourir avec des soins ou faire mourir et provoquer la mort lorsqu’elle est demandée par le patient en fin de vie ? La réponse est difficile et de nombreux arguments peuvent être proposés dans un sens ou dans un autre. Je commencerai donc par expliquer la thèse selon laquelle on ne peut pas autoriser le droit à mourir, puis la thèse selon laquelle la présence de ce droit est important et nécessaire.
I)a) Le code de la santé nous dit que « le médecin [doit sauvegarder] la dignité du mourant et [assurer] la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l’article L.1110-10. », c’est-à-dire, les soins palliatifs. Ici, on parle de la dignité en tant que valeur absolue de la personne, c’est-à-dire que les choses ont un prix, et les Hommes ont une dignité. On ne peut donc pas ôter la vie d’une personne car elle a une valeur (interdit fondamental du meurtre). En effet, le rôle du médecin est de soigner et non de tuer. Et c’est le problème de l’euthanasie : c’est une personne tierce qui injecte une dose létale, ce qui semble contraire au serment d’Hippocrate. Effectivement, ce serment nous dit : « je ne provoquerai jamais la mort délibérément. ». D’ailleurs, les médecins sont souvent opposés à ce droit à mourir.
La loi en France appréhende la mort comme un processus qu’il importe ni d’accélérer ni de repousser. Cela se traduit donc par une interdiction de l’euthanasie et de l’acharnement thérapeutique.
Il est important de préciser que le débat sur la fin de vie se pose dans le cas d’une maladie incurable, c’est-à-dire qui ne peut être guérie, mais seulement soignée et lorsque la personne est en fin de vie et qu’elle souffre sans que la médecine ne puisse mettre un terme à ses souffrances.
Le code de la santé permet d’ailleurs de mieux lutter contre la souffrance. Chacun a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée. Les soins palliatifs sont alors des soins qui visent le confort des patients mais aussi un réconfort et un soutien. Le but n’est plus d’éviter la mort (qui sont des soins curatifs) mais d’éviter les souffrances. C’est donc une forme de solidarité envers les patients. On peut alors faire le choix de privilégier le palliatif plutôt que l’euthanasie.
La loi du 22 avril 2005 autorise le médecin à recourir à des traitements antalgiques (qui clament la douleur), qui peuvent avoir comme effet secondaire d’abréger la vie. L’Etat priorise ainsi la qualité de la vie plutôt que la durée de la vie d’un patient en fin de vie. De plus, les soins palliatifs sont une réelle prise en charge collective de la personne souffrante
Grâce à la loi Claeys-Leonetti de 2016, une personne malade peut d’ailleurs avoir accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. La sédation profonde est un acte médical consistant à endormir profondément une personne atteinte d’une maladie grave et incurable pour soulager ou prévenir une souffrance réfractaire en la plaçant dans un coma jusqu’à sa mort. La sédation profonde et continue doit être une demande du patient s’il est conscient, sinon une décision du médecin qui doit être communiquée à la personne de confiance, c’est-à-dire celle qui se charge d’exposer les volontés du patient quand celui-ci n’est plus en capacité de le faire. La sédation est mise en œuvre lorsque les traitements sont considérés comme une obstination déraisonnable (donc un acharnement thérapeutique, qui est interdit en France) et qu’ils sont arrêtés alors que cela engendre des souffrances insupportables pour le patient.
I)b) L’écrivain Michel Houellebecq explique que selon lui « quel que soit le pays, quelle que soit l’époque, la religion, la civilisation, la culture, l’agonie a toujours été considérée comme un moment important de l’existence ». C’est-à-dire que pour lui, l’agonie est importante et qu’il ne faut pas l’abréger car c’est un moment où on peut revoir une dernière fois ses proches avant sa mort. Est-ce un argument suffisant pour refuser le droit à mourir ?
D’ailleurs la loi en France actuellement propose une alternative à l’euthanasie au moyen de la sédation profonde et continue jusqu’au décès : en cas souffrance impossible à soulager, on peut placer le patient qui aurait exprimer ce désir, en situation de coma artificiel en attendant son décès. On peut cependant souligner que la sédation profonde et continue est une épreuve physique pour le patient qui subit une agonie due à la dénutrition et à la déshydratation, et pour les proches, qui voient le patient agoniser c’est aussi une épreuve.
On peut alors se demander s’il faut tenir compte du désir de mort des patients atteints de maladies incurables et dégénératives.
II)a) On peut alors parler du droit fondamental à la liberté et notamment du droit de choisir sa mort. Les droits fondamentaux, c’est l’ensemble des libertés ayant un caractère essentiel pour l’individu, en principe assuré dans un Etat de droit et démocratique. On peut donc se demander pourquoi le droit de mettre un terme à sa vie ne pourrait s’appliquer au moment de la mort. Si nous avons un droit à la vie, pourquoi n’aurait-on pas un droit à la mort ? Dans le cas où une personne perd totalement son autonomie et qu’elle voit ses conditions de vie se dégrader, ne pourrait-elle pas faire la demande de mourir et obtenir cette aide utime?
Il y a d’abord la solution du suicide assisté. Dans ce cas, c’est la personne qui souffre qui se suicide et non le médecin qui tue. La personne est donc sûre de sa décision.
Nous pouvons prendre l’exemple des Pays-Bas, ou l’euthanasie et le suicide assisté sont légaux depuis 2001. Une personne est autorisée à terminer sa vie dans la dignité après avoir reçu tous les soins palliatifs disponibles. Mais cela se fait sous certaines conditions. Le patient doit prendre conscience que sa vie est devenue pénible et sans espoir, il doit s’exprimer de façon claire et répétée son désir de mort sans avoir été influencé, il doit avoir des capacités de compréhension normales et au moins deux médecins doivent donner leur avis.
Aujourd’hui, si un français souhaite recourir au droit à mourir, il a deux solutions. Soit pratiquer l’euthanasie, illégale en France, qui est un danger pour le médecin et pour le patient. En effet, les substances létales sont faciles d’accès donc leur qualité, leur dosage, leur provenance sont inconnus. Il y a donc un risque d’échec et des souffrances accrues pour le patient. L’autre solution est d’aller à l’étranger. Mais il y a là un problème de coût (10 000€ en Suisse) et de temps d’attente, qui représente des souffrances physiques et psychiques pour le malade et l’entourage.
II)b) Nous pouvons prendre l’exemple de Catherine Courouble, qui est atteinte de la maladie à corps de Lewis. C’est une maladie neurodégénérative complexe qui touche plusieurs parties du cerveau et dont l’évolution se révèle très variable. Elle sait qu’elle va devenir le « fantôme [d’elle]-même », mais le refuse. En effet, c’est sa liberté de pouvoir le refuser. Seulement, cette volonté ne pourra être écouté, puisque la pratique est interdite en France. Elle ressent donc un sentiment de solitude et une peur d’être contrainte à une vie de dépendance.
La personne est seule apte à juger si sa vie vaut encore la peine d’être vécue. Il y a donc une importance à légaliser le droit à mourir pour préserver la dignité de l’individu, en tant que sentiment, et respecter son choix de mourir.
Conclusion : Le débat sur la fin de vie reste donc ouvert avec des arguments qui s’opposent : d’un côté la défense des soins palliatifs et de la sédation profonde et continue avec une philosophie de la dignité humaine, et, de l’autre, la défense de la liberté individuelle par le biais du droit à mourir. Cela explique donc la difficulté à répondre à ce débat et le recul de la présentation du projet de loi sur la fin de vie, initialement prévu par le gouvernement français à la fin août 2023, qui est aujourd’hui annoncé pour avril 2024. est le signe de cette difficulté de trouver ce qui peut faire consensus. On peut cependant retenir l’idée que nous devrions respecter la volonté des malades qui sont en fin de vie et qui expriment leur volonté de mourir parce qu’ils sont victimes de très fortes souffrances provoquées, par exemple, par des maladies dégénératives.